Modifier nos modes de vie passe par la fin de l'ère du tout automobile...crédit : notre-planete.info
Fréquemment,
il est fait référence à un décalage croissant entre la classe politique
et les citoyens, mais il très rare que ce constat soit accompagné de
preuves tangibles.
Nous vous proposons de re-découvrir ici les résultats d'une enquête assez intéressante menée il y a deux ans.
Grâce au PROSES (1), c’est désormais chose faite en ce qui concerne
l’environnement et la prise de conscience de la gravité des enjeux
écologiques. Cette étude (2) repose sur un questionnaire à 5 dimensions
principales : l’importance relative de l’enjeu de l’environnement qui
n’est considéré comme devant être une priorité de l’action
gouvernementale que par 3% des parlementaires interrogés et les
attitudes à l’égard des politiques d’environnement, des enjeux
spécifiques, de certains problèmes de conservation du patrimoine
naturel et enfin de la participation du public à la prise de décision
dans le domaine de l’environnement.
Or, l’étude fait ressortir non seulement une incompréhension gravissime
par les parlementaires des enjeux, mais encore un retard accablant du
politique sur le citoyen. Ainsi, les parlementaires sont très réservés
sur les liens entre le changement climatique et l’effet de serre (21%
l’admettent contre 34% des citoyens), mais surtout ils refusent que la
question d’un changement dans la croissance économique puisse être
posée (19% l’admettent contre 53% de l’échantillon national. Sur les
enjeux spécifiques, 15% des parlementaires souhaitent abandonner
progressivement le nucléaire alors que 55% de l’échantillon national le
souhaite. S’agissant des mesures de remédiation, une légère majorité de
parlementaire pense qu’il faudra modifier nos modes de vie (54%) alors
qu’une forte minorité (40%) croit à la vertu du seul progrès technique
; en revanche, les citoyens sont plus réalistes puisque 73% admettent
la modification du mode de vie et ils ne sont que 12% à faire confiance
sans limite au progrès scientifique pour résoudre l’effet de serre. De
la même manière, les citoyens sont prêts à faire plus d’efforts que les
parlementaires qu’il s'agisse de la limitation de la vitesse des
automobiles à leur fabrication (78% contre 58% des parlementaires) ou
stopper la construction de nouvelles autoroutes (66% contre 23%). Seul
le refus d’augmentation des carburants est plus marqué chez les
citoyens que chez les parlementaires. Enfin, dans le domaine de la
participation à la prise de décision, 56% des citoyens souhaitent qu’un
grand projet puisse être refusé par les habitants concernés alors que
12% des parlementaires sont sur cette voie.
Au total, les parlementaires sont donc très largement réfractaires à
l’environnement alors que l’opinion publique a changé sur ce point et
comme le note Daniel Boy, dans le commentaire qu’il a consacré à cette
étude, « la quasi unanimité des parlementaires pour refuser toute
légitimité à un droit de véto local... est sans doute en décalage avec
une société qui cherche de nouveaux modes d’expression »
Quoiqu’il en soit, un tel écart interpelle. Comment expliquer un tel
conservatisme ? L’étude elle même apporte des réponses. La sous
représentation affligeante des femmes au Parlement est un des facteurs
explicatifs dans la mesure où les réponses des femmes parlementaires
sont beaucoup plus en phase avec l’opinion publique que les hommes.
Ainsi à la question posée de savoir si la législation européenne plus
protectrice de l’environnement était une bonne chose, 62% des femmes
parlementaires répondent positivement alors que les hommes sont
majoritairement opposés (47%). De même, 16% des hommes estiment qu’on
en fait trop en matière d’environnement contre 7% de femmes et 93% des
femmes acceptent le bridage des moteurs contre 53% des hommes et 35%
acceptent de tenir compte du refus des habitants contre 9% des hommes.
Enfin, les femmes sont beaucoup plus réservées sur le renouvellement.du
parc nucléaire (48 % des femmes contre 81% des hommes). Ce facteur
apparaît très important comme celui de l’âge, c’est-à-dire de la
compréhension du monde nouveau dans lequel on vit. Ainsi, la solution
technique pour s’attaquer à l’effet de serre est plébiscitée par les
plus de 65 ans (65%) et rejetée par les moins de 50 ans (20%).
Les critères plus traditionnels liés d’une part à la sur représentation
rurale du Parlement français d’une part et à la répartition
droite–gauche existent également. Les élus représentant le monde rural
sont globalement plus réticents : 33% seulement sont favorables à la
législation européenne et 37% estiment qu’on en a trop fait, sans
parler des politiques de la nature et du sacro-saint problème de la
chasse. Le clivage droite\gauche reste très prégnant, la gauche étant
plus favorable à l’environnement, plus réservée sur l’efficacité des
politiques environnementales et plus favorables aux solutions fiscales
et réglementaires cependant, ce clivage est moins fort que le clivage
Homme\femme.
En définitive, cette analyse démontre non seulement un fossé croissant
entre le peuple et ses représentants, mais encore un besoin urgent de
réformer notre démocratie pour que la société civile et en particulier
les femmes et les jeunes puissent avoir enfin droit de cité.
Notes
(1) Programme « Science, environnement et société » dépendant de Sciences Po
(2) Dans le cahier n°7 du PROSES d'Octobre 2003.
Source
Valeurs Vertes : le magazine du développement durable
En savoir plus
Les parlementaires et l'environnement : résultats de l'enquête.
auteur : Corinne Lepage, Présidente de CAP21 - Ancien ministre